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Liste des vertiges en sciences humaines

Liste des vertiges en sciences humaines. École d’arts plastiques de Denain, 2019.

Dispositif sonore, œuvre sonore de 89’, 1 enceinte, texte de présentation sur 2 pages A4 et dessin à l’encre sur papier (50x65cm).

Extrait :

Le recours accru, récent, à la notion de vertige dans le titre d’études en sciences humaines rédigées en langue française est à l’origine de cette installation présentant une liste énoncée par une voix digitale.
La liste des vertiges en sciences humaines répertorie chronologiquement à partir de 1958, soit à partir de la création des facultés de Lettres et de Sciences humaines en France, des catalogues d’expositions, des monographies et des chapitres de monographies, des thèses et des mémoires universitaires, des volumes collectifs et des contributions à des volumes collectifs, des articles de revues, des colloques et des actes de colloques mentionnant en titre l’un des termes français suivants : vertige ou vertigineux, déclinés ou non. Cette liste des vertiges en sciences humaines mentionne, par ailleurs, toutes les études ou critiques, peu nombreuses au demeurant, publiées avant 1958. Elle fait état aussi des rares études en psychanalyse, en théologie ou en sport et mentionne les ouvrages de médecine portant sur un « vertige littéraire » ou présentant une histoire de la description clinique du vertige. La liste des vertiges en sciences humaines ne recense pas les œuvres littéraires, les œuvres visuelles (les estampes, les films...), les œuvres sonores (les valses, ...), les manuels de recettes ou de gastronomie, les ouvrages de voyage, les articles de journaux, les récits autobiographiques et les recensions d’ouvrages ayant pour titre le terme « vertige » ou « vertigineux », déclinés ou non. Le corpus ainsi obtenu se compose de près de 400 items et semble exhaustif.
Pour méthode, cette liste des vertiges en sciences humaines a été établie en consultant les catalogues en ligne BNF et SUDOC, les bases de données (Académia, Base-search.net, Bsad.eu, Cairn.info, Érudit.org, Fabula, Hal Archives ouvertes, Jstor et Persée), et, autant qu’il me fut possible de les étudier, les sites Google Books et Google Scholar.
Cette liste des vertiges a été rédigée entre 2016 et 2017 et tous les hyperliens mentionnés ont été vérifiés le 10 mars 2017.
Cette liste des vertiges en sciences humaines sous la forme d’une chronologie présente, sous chaque date, les différents items recensés par type de document ou de contenu.
Sa typologie se compose de cinq groupes par année d’édition :
« expositions » (et les catalogues desdites expositions),
« ouvrages » (et thèse ou mémoire de recherche),
« parties d’ouvrages »,
« articles » (et numéros spéciaux de revues),
« colloques et communications ».

Note
Aujourd’hui, en sciences humaines, la notion de vertige désigne la sensation d’un déséquilibre éprouvé par une personne (un lecteur ou un spectateur) devant une œuvre littéraire ou visuelle. Ce vertige en raison du déséquilibre que ce vertige créerait serait une sensation nécessaire permettant de penser le monde. Ce vertige aiderait à résister aux instrumentalisations. Il serait le phénomène perceptible d’une liberté acquise ou retrouvée.

Au début du XXe siècle, la notion de vertige n’a cependant pas la dimension positive que nous lui connaissons. Elle n’est pas liée à une écriture ou à un art. Aux premières heures du XXe siècle, la notion de vertige dénote un désaccord politique et des actions contraires au bon sens (MAUCLAIR 1916 ; LOTI 1917). Le vertige désigne alors une Connaissance erronée, en mouvement. Il est ce Progrès évoluant dans le vide conduisant à la guerre. Il est associé au cours de la première guerre mondiale à cette « race de Germanie » « pullul[ant] plus vite que les autres » (LOTI 1917 : 14). Il est cette folie s’étendant. Il est ce que les hommes d’alors doivent combattre. Cette approche particulière du vertige a pris son essor trois siècles plus tôt.
Au XVIIe siècle, la notion de vertige est déjà associée à un déséquilibre des sens et de la raison. Sous Louis XIV, un « esprit de vertige » désigne le bellicisme des états germaniques osant défier la monarchie de droit divin. En près d’un siècle, de 1916 à aujourd’hui, de l’ouvrage de Camille MAUCLAIR intitulé Le Vertige allemand, histoire du crime délirant d’une race publié en 1916 à aujourd’hui un changement d’état a eu lieu : une nouvelle idée du vertige s’est imposée.
Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, le vertige est devenu une expérience souhaitable. Le vertige n’évoque plus une extériorité, un dehors, un Autre ayant une raison altérée. La notion de vertige est associée à une découverte de soi, de l’Autre et des choses. Elle est une ivresse enrichissante et un déséquilibre constructif. Le vertige est devenu la manifestation d’une singularité et d’un courage. Il permet de sortir de l’Être, de soi ou d’une pensée pour opérer un changement. Sous la plume de Gérard GENETTE, de Michel FOUCAULT ou d’Umberto ECO, le vertige devient un concept opératoire.

La liste des vertiges en sciences humaines recense l’ensemble des ouvrages et des articles liés à cette notion, publiés entre 1860 et 2017. Cette œuvre a les atours d’une bibliographie pour une étude académique à venir ou réalisée. Cette bibliographie cependant est uniquement énoncée dans un espace d’exposition. Elle n’est qu’une suite de matériaux vocalisée par une voix digitale. Cette voix digitale réalise des erreurs. Ces erreurs sont des soubresauts, une lecture automatisée des hyperliens, une mélecture des abréviations et une lecture francisée de patronymes et des locutions en langue étrangère. Cette vocalisation d’une bibliographie est en soi inédite. Il n’est pas en effet attendu qu’une bibliographie soit oralisée et puisse être un élément dans une proposition artistique.

Un dessin à l’encre minutieux accompagne cette proposition. Composé de minuscules circonvolutions réalisées à l’encre, ce dessin abstrait occupant un angle de la feuille semble avoir pour seule fonction d’occuper un temps le regard. Ce dessin peut paraître inachevé.